Une singulière rencontre pour amateurs de bonbons, de Hugues Morin

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À mes filleuls, encore une fois, puisqu’ils ont servi malgré eux d’inspiration à ce conte de Noël.

Dans la Petite Patrie de Montréal, on retrouve une rue légendaire, aux trottoirs recouverts d’une célèbre marquise. Une rue animée et bordée d’un marché de boutiques de costumes, de librairies, de délices du terroir et d’autres endroits magiques, comme la confiserie Oscar. Parmi les expériences qui piquent la curiosité d’un voyageur, j’avais depuis longtemps le plus vif désir de recueillir quelques anecdotes sur les gens qui achètent des bonbons. Or, c’est justement devant la confiserie Oscar qu’un soir de décembre, juste avant Noël, je vis un petit garçon se tenant debout sur le trottoir, éclairé par les lueurs vespérales issues de lampadaires décoratifs et protégé des flocons qui tombaient du ciel par la marquise de la Plaza St-Hubert.

La petite Megan qui a six-ans-et-bientôt-sept vient de sortir de la confiserie et, les pieds dans la neige fraîche qui s’est accumulée là à cause du vent en dépit des marquises, regarde avec curiosité le garçon qui se tient immobile. Le garçonnet porte d’étranges habits aux allures anciennes et tient dans sa main un vieux contenant percé d’une fente. Dans une poche de son manteau d’hiver, Megan déniche le petit porte-monnaie qu’elle a reçu à son dernier anniversaire et y trouve une pièce de dix sous. Elle la dépose dans le contenant, qui émet un cling métallique quand la piécette touche le fond. Le petit garçon, que Megan dépasse de quelques centimètres à peine, la remercie alors et les deux enfants se mettent à bavarder.

Un instant plus tard, par la fenêtre du magasin de bonbons, Megan aperçoit Maman, qui complète leurs achats et qui tourne la tête dans tous les sens. Maman n’a pas vu que Megan était sortie du magasin. Megan s’approche de la porte vitrée et lui fait signe de la main. Maman l’aperçoit avec un sourire de soulagement où se glisse tout de même un peu de mécontentement. Maman est souvent mécontente ces dernières semaines. Megan n’aurait pas dû sortir du magasin avant que Maman n’ait fini de payer, mais elle avait été intriguée par la présence du garçonnet. Celui-ci lui dit de ne pas s’inquiéter.

Maman ouvre la porte, qui fait tintinnabuler une petite clochette, et elle sort de la confiserie Oscar avec sa sacoche et quelques sacs de magasinage qui se balancent sur son épaule. Les haut-parleurs de la Plaza diffusent une version rock du Petit renne au nez rouge.

Pour prévenir les remontrances de Maman, Megan lui présente son nouvel ami, qui s’appelle Félix. Maman lui sourit et après avoir jeté un œil à droite et à gauche, elle lui dit:

— Bonjour Félix. Ils sont où tes parents, dans la boutique de bonbons?

Feliz Navidad, lui répond le garçonnet avec un sourire enjoué.

Maman lui souhaite un joyeux Noël à lui aussi et regarde par la porte de la confiserie. À l’intérieur, à part la Bonbonnière qui a aidé Megan à trouver ses sucreries préférées, il y a trois adultes et deux enfants, dont un garçon plus grand que Megan, qui lui a fait une vilaine grimace pendant qu’elle cherchait des bonbons aux framboises. Maman ouvre la porte et on entend la petite clochette émettre sa sonnerie. Elle demande aux adultes si l’un d’eux est le parent du petit Félix. Ils font tous signe que non.

Maman demande encore à Félix où sont ses parents, mais elle ne comprend pas ce qu’il dit.

— Désolée, je ne parle pas espagnol, s’excuse-t-elle.

Elle regarde à la ronde sur la Plaza et de l’autre côté de la rue St-Hubert, où il y a beaucoup de monde malgré la neige. Les passants qui se dirigent vers eux ne portent aucune attention à leur trio. Megan est bien contente qu’il neige. Papa lui avait dit que la météo avait annoncé un Noël sous la pluie, mais ce matin du 23 décembre, il neigeait à gros flocons quand la fillette s’était levée. Papa dit toujours que la météo n’est pas capable d’annoncer le temps comme il faut, mais il continue de regarder la météo quand même.

Maman demande à Megan si elle a vu les parents de Félix, mais la fillette n’a vu que ce dernier sur le trottoir en sortant du magasin. Maman hésite et lui dit qu’elles doivent retrouver Papa au coin de la rue Beaubien dans quelques minutes, mais qu’elle ne veut pas laisser Félix tout seul s’il est perdu. Megan se demande pourquoi Félix serait perdu. Maman ouvre encore la porte du magasin de bonbon et demande si quelqu’un parle espagnol. Les adultes font tous signe que non de la tête et le plus grand des gamins lui fait une grimace, mais Maman ne le voit pas et laisse la porte se refermer sur le son de la clochette.

Maman soupire mais les invite à marcher devant elle vers le nord.

 

Pardonne-moi cet interlude, bienveillant lecteur, mais ayant commencé ma carrière par être le bambin le plus espiègle mais le plus astucieux de mon école et connaissant par coeur les ruelles, escaliers casse-cou et passages de la Petite Patrie, je décidai de suivre subtilement le garçonnet, la fillette et sa mère malgré la brise hiémale, puisque le trio m’inspirait le désir le plus vif d’en savoir plus sur leur histoire (et leur intérêt pour les bonbons). Mes parents à moi avaient essayé en vain de m’inoculer la sagesse; aussi m’avaient-ils envoyé explorer le monde, dans l’espoir que je la gagnerais de la manière naturelle. J’étais donc curieux de découvrir qui de la mère ou la fillette que je suivais s’avérerait enseigner la sagesse à l’autre et si elle aurait plus de succès que mes parents avec moi.

 

Sur le trottoir, leurs pas font des belles traces dans la neige fraîche. Les deux enfants jouent à essayer de marcher dans les traces de l’autre en rigolant. Maman a l’air nerveux et elle regarde partout autour d’eux. Megan raconte à Félix que Maman est souvent énervée depuis quelques semaines et qu’elle n’aime pas ça quand Maman est comme ça. Elle est moins patiente et se fâche plus après elle et Papa.

— Mon papa, il est occupé avec son travail parce qu’il arrive plus tard et il va plus souvent le soir à son bureau. Il n’a plus le temps de jouer avec moi.

Félix lui dit que ça va sûrement passer, et que Papa va pouvoir bientôt jouer avec elle, surtout si elle a des nouveaux jeux à Noël, Papa va sûrement vouloir jouer lui aussi avec les nouveaux jeux.

Toujours avec Maman derrière eux, ils passent justement devant un magasin où la vitrine est pleine de jeux et Megan veut montrer à Félix qu’elle peut maintenant lire quand les lettres sont grandes et séparées. Elle pointe l’enseigne de la boutique avec sa mitaine.

Car-ta… Ma-gi-ca. Je sais pas ce que ça veut dire, mais on dirait qu’ils vendent des jeux magiques.

Elle raconte à Félix qu’elles ont acheté des bonbons pétillants qu’elle voulait donner à ses lutins. Peut-être qu’avec des bonbons drôles, les lutins feraient moins de mauvais coups dans la maison pendant la nuit. Cette année, les lutins font quand même moins de coups que l’an passé. Maman lui a expliqué qu’ils étaient moins espiègles parce que Papa travaillait beaucoup et qu’ils étaient un peu fatigués tous les deux et que les lutins les laissaient se reposer. Megan n’avait pas compris, mais elle ne savait pas trop ce que les lutins faisaient à part aider le Père Noël et venir faire des coups pendant leurs vacances en décembre. Ils étaient drôles, les lutins.

Quelques instants après cette conversation, on entend La promenade en traineau chantée par Ginette Reno dans les haut-parleurs. Megan connaît la chanson parce que son grand-papa la fait souvent jouer à Noël. Elle dit à Félix qu’elle visite moins Grand-Papa qu’avant parce qu’il est malade. Quand Megan essaie de savoir pourquoi il ne guérit pas, Maman change de sujet ou ouvre la télé pour lui mettre un film ou une émission enregistrée. Elle pense que sa Megan ne se rend pas compte qu’elle ne répond pas.

En quelques pas, le trio passe devant l’animalerie et Megan tente en vain d’apercevoir un chien ou un chat par la vitrine embuée.

 

J’avais entendu raconter la mort de mon grand-père, qui s’était éteint des mois avant ma naissance. Je savais qu’au moment où il allait expirer doucement, dans l’ombre de sa grande chambre dont on avait fermé les volets à cause d’un terrible soleil de juillet, au milieu du silence étouffant de ce brûlant après-midi d’été, ma mère sa fille lui annonça qu’elle attendait un fils. Mon grand-père avait eu un mouvement, quelque chose comme l’effleurement d’un sourire, une gaieté dernière avait brillé dans son œil qui, bientôt après, s’éteignait pour toujours.

Sans vouloir paragonner, je compatissais donc avec la fillette mais demeurais à prudente distance alors que le trio se retrouvait devant une boutique remplie de saltimbanques, d’aucuns à quatre pattes, d’autres ailés et chacun gringottant, miaulant et piaillant à qui mieux mieux. Dans le haut de la vitrine, j’entrevis un petit perroquet. Son corps était vert, le bout de ses ailes rose, son front bleu, et sa gorge dorée. Je l’avais souvent aperçu là et avais appris qu’il avait la fâcheuse manie de mordre son juchoir, de s’arracher les plumes, d’éparpiller ses ordures et répandre l’eau de sa baignoire. Mais je quittai bientôt l’animalerie pour suivre mes amateurs de bonbons et en apprendre plus sur leur histoire.

 

Le trio passe ensuite devant une vitrine remplie de costumes de princesses, de sorcières et de chevaliers et Megan voudrait s’arrêter pour admirer les personnages mais Maman les pousse à avancer sans plus de cérémonie. Megan demande à Félix s’il voit son grand-papa souvent et ce dernier la rassure; elle va assurément voir Grand-Papa plus souvent bientôt, mais les grands-pères ne sont pas là pour toujours, lui dit-il, ils vont au ciel quand ils sont très très vieux.

Megan aperçoit Papa au coin de la rue et le rejoint devant une enseigne qui montre juste un gros N rouge et qui n’a rien dans sa vitrine. Après qu’il l’ait soulevée et serrée dans ses bras avant de la redéposer au sol, elle demande à Papa:

— Qu’est-ce qu’ils vendent ici, papa?

— Rien, c’est juste une banque.

— À quoi ça sert s’ils vendent rien?

— Euh… ça sert à rien… ça enrichit les vilains.

Maman gronde Papa et ils se mettent à discuter. Megan n’aime pas ça quand ils discutent et elle se tourne vers Félix pour jouer dans la neige avec lui. Il faut faire attention pour ne pas descendre du trottoir parce que dans la rue, les autos sont dangereuses pour les enfants. Megan entend Maman s’énerver et dire qu’on a d’autres courses à faire, qu’elle ne peut pas s’occuper de tout toute seule, et qu’il faut faire quelque chose avec Félix qui est perdu et qu’on ne peut pas l’abandonner sur la Plaza mais qu’on ne peut pas l’emmener non plus.

Les parents sont toujours compliqués. Megan ne comprend pas pourquoi on ne peut pas emmener Félix à la maison; elle a d’autres amis qui viennent chez elle souvent et c’est jamais compliqué.

Maman monte le ton et dit à Papa qu’il n’est jamais là quand elles ont besoin et lui demande où il était depuis une heure et pourquoi il avait besoin de les laisser faire les achats toutes seules sur la Plaza.

Megan ne veut pas écouter la discussion et tourne son attention vers l’autre côté de la rue, où elle voit un vieux monsieur qui vend des revues.

 

On me pardonnera cette énième parabase, mais le voyageur que je suis connaissait évidemment bien le vendeur d’Itinéraire, qui avait connu la faim, la soif, les fièvres et la vermine. Il était accoutumé au fracas des mêlées de passants pressés de vaquer à leurs achats et au vent froid de l’hiver sur sa peau. Loin d’être un niquedouille imbriaque, il était au contraire très fort, et très courageux.

 

À côté du vendeur de revue, il y a un autre monsieur, qui est assis par terre avec son chat en laisse, et qui joue de la guitare. Megan montre à Félix le monsieur au chat. Elle n’entend pas la musique qu’il joue parce que les haut-parleurs de la Plaza sont trop forts; il en sort une chanson qu’elle ne connaît pas.

— Quand je comprends pas les paroles, ça veut dire que c’est en anglais, explique-t-elle au gamin. Je comprends pas les chansons, mais je peux compter jusqu’à vingt en anglais. Regarde: One, two, three…

Elle interrompt sa démonstration quand Papa s’approche de Félix et le prend par la main pour l’éloigner de quelques pas. Il fait signe à Maman, qui ramène sa fille devant la boutique de beaux costumes. Megan ne s’intéresse plus à la princesse dans la vitrine, elle surveille plutôt son ami Félix. Papa s’est accroupi et il parle avec le garçon. Des passants à l’air pressé les croisent sans leur porter attention.

Après deux minutes, Papa et Félix les rejoignent devant la boutique et Papa explique à Maman qu’il a trouvé les parents du garçon.

— Ils sont un peu plus loin, ils ont une boutique de l’autre côté de Beaubien. On va l’accompagner jusque-là dans deux minutes.

Papa place alors ses deux mains sur les épaules de Maman et la regarde droit dans les yeux.

— Je sais que j’ai été un peu absent ces dernières semaines, et que tu t’inquiètes pour ton père…

Maman veut l’interrompre mais Papa lève un doigt. Megan connaît ce geste: ça veut dire d’attendre un instant et de le laisser parler. Quand elle s’énerve en jouant avec ses amis, ou quand elle veut qu’il décide qui a raison quand elle discute avec Maman, il fait toujours ce geste du doigt: une minute. Papa continue donc:

— Je pensais attendre le 24 au soir pour te donner ton cadeau, mais vu les circonstances…

Il se passe la main dans les cheveux et chasse les quelques flocons qui s’y trouve, puis replace ses mains sur les épaules de Maman.

— On va modifier la maison, pour accueillir ton père. J’ai fait un budget et ça va coûter moins cher que sa résidence actuelle. J’ai parlé aux patrons, on va adapter mon horaire pour que je puisse faire du télétravail et être plus présent à la maison. Là, j’arrive tout juste du CLSC Petite Patrie, à deux coins de rue d’ici. Ils vont pouvoir organiser des visites à domicile. C’est tout organisé. Joyeux Noël.

Maman se met à pleurer et prend papa dans ses bras. Elle pleure mais elle a l’air content en même temps et elle serre Papa très fort. Les haut-parleurs de la Plaza diffusent Maman embrasse le Père Noël. Megan s’approche de ses parents et Papa la soulève dans ses bras et ils se collent un instant, tous les trois, isolés des autres passants qui déambulent sous la marquise.

 

Saurais-je te demander, lecteur bienveillant, si dans ta vie il ne s’est pas trouvé des heures, jours, ou semaines au cours desquels toutes tes actions habituelles éveillaient en toi un sentiment heureux, et où tout ce qui te paraissait d’habitude trivial et indigne d’occuper ton sentiment et ta pensée te semblait extraordinaire et merveilleux. À cet instant de la soirée du 23 décembre dans la Petite Patrie, en retrait de cette petite famille que je ne connaissais pourtant pas, c’est ce sentiment qui m’habitait néanmoins.

 

Papa et Maman ne voient pas Félix qui s’est éloigné et est rendu au coin de la rue devant la boutique qui ne vend rien. Megan le voit qui lui fait bye bye de la main et qui s’éloigne en traversant la rue. De l’autre côté, il vide son contenant de métal à l’envers dans sa main et dépose la pièce de dix sous qui en tombe dans le panier devant le monsieur au chat qui joue de la guitare. Il regarde Megan et lui fait un clin d’oeil avant de se retourner et s’éloigner de ses petits pas dans la neige.

La neige tombe maintenant avec plus d’intensité, les flocons sont plus gros et forment un petit rideau blanc qui voile la Plaza au niveau de la rue Beaubien.

Papa et Maman se rendent compte que Félix n’est plus avec eux et regardent autour, mais la fillette leur dit qu’il est reparti de l’autre côté de la rue, vers où Papa a dit que ses parents étaient. Maman ne pleure plus, elle a même l’air moins fatigué que tout à l’heure. Papa prend sa fille par la main et ils se dirigent tous les trois sur la rue Beaubien. La musique des haut-parleurs s’amenuise lentement au son de 23 décembre alors que la petite famille se dirige vers son domicile.

 

J’aurais aimé te raconter que le père, la mère et la fillette habitaient un château sur la pente d’une colline, avec quatre tours d’angles aux toits pointus recouverts d’écailles de plomb, et dont les murs s’appuyait sur les quartiers de rocs qui dévalaient abruptement jusqu’au fond d’une douve, entourée d’un parc infini étendant ses perspectives tantôt sur des profondeurs de forêt, tantôt sur la campagne environnante où les longues routes blanches étaient constellées de bordures de sapins, guides du voyageur dans la plaine immense et nivelée par l’hiver.

Mais nous étions quand même à Montréal, dans le quartier Petite Patrie, et non à la campagne du début du siècle dernier ou en Europe médiévale.

 

Cinq secondes et quelques minutes plus tard, après avoir traversé la rue de Chateaubriand, la petite famille arrive à pied devant sa maison de la rue de St-Vallier. Le redoux prévu par la météo commence à se faire sentir; il ne neige déjà plus et le peu de neige accumulée fond sous les bottes de Megan sur les marches de l’escalier de la maison. En cherchant ses clefs dans sa sacoche, Maman dit que puisque Megan s’est fait un nouvel ami, ils devraient peut-être aller voir les parents du garçon pour leur souhaiter Joyeux Noël et se présenter.

— S’il habite dans le quartier, tu pourrais le voir de temps en temps. Est-ce que Félix t’a aussi dit son nom de famille?

Megan lui répond, pleine d’assurance:

— Oui! Félix Avida. Il te l’a dit aussi, quand tu es sortie du magasin de bonbons!

Papa et Maman se regardent alors, et c’est Papa qui demande:

— Félix… Avida?… Comme dans Feliz Navidad?

— Oui, c’est ça! Félix Avida!

Papa et Maman se fixent un instant, puis ils ouvrent la porte et rentrent à la maison.

 

Et c’est en vain que j’essaierais, cher lecteur, d’exprimer par des mots, quels qu’ils puissent être, toutes les magnificences dont Megan fut entourée pour ce Noël-là. Quant à moi, je n’en saurais guère plus sur les amateurs de bonbons, et j’arrêterai donc ici ma relation, en précisant toutefois que plus tard en cette soirée du 23 décembre, à travers les quelques flocons dansant encore dans la brise sous la marquise de la Plaza, la Bonbonnière verrouilla la porte de la confiserie Oscar. En quittant le commerce, elle remarqua que la petite statue de garçonnet à la canne de métal que les préposés à la décoration de la Plaza avaient apporté quelques jours plus tôt devant la confiserie n’y était plus. Elle haussa les épaules et s’éloigna entre les maisons bigarrées tantôt hautes et tantôt basses qui bordent la rue St-Hubert.

Un peu avant minuit, la célèbre rue n’était plus animée que par des luminaires rouges et verts qui continuent d’éclairer de leurs lueurs des fêtes le marché de boutiques de costumes, de librairies, de délices du terroir et d’autres marchands de rêves. Plus haut sur la Plaza, au nord de la rue Bélanger, un petit garçon se tenait debout sur le trottoir, protégé de la neige fondante par la marquise. Le matin du 24 décembre, la libraire de la bouquinerie Parenthèse devant lequel il se trouvait ne s’étonnerait pas de cette nouvelle décoration installée par la Plaza devant son commerce.


Note de l’auteur: Le bienveillant lecteur me pardonnera d’avoir joué avec l’emplacement des commerces de la Plaza et d’avoir emprunté, pour le ton et certains passages impliquant le narrateur, à des contes dans le domaine public écrits par Washington Irving, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Joséphine Dandurand et E.T.A. Hoffmann.