Éditorial: La Saint-Valentin sur Mars

La science-fiction sait-elle raconter des histoires d’amour? De prime abord, on ne peut pas dire que le genre soit reconnu pour ça. Surtout pas si on se concentre sur les racines pulp de la science-fiction, où, si le héros possédait un intérêt amoureux, il s’agissait probablement d’un faire-valoir ayant besoin d’être secouru ou encore d’un objet de conquête.

Posons la question autrement alors : la science-fiction veut-elle raconter des histoires d’amour? Car il n’y a pas de raisons qu’elle ne le puisse pas. On retrouve dans les récits d’anticipation bien des ingrédients qui n’existent pas en littérature générale : il faut construire l’univers, fournir des repères au lecteur… Mais les personnages ne doivent pas pour autant être négligés, et s’ils sont complets cela inclura sans doute une dimension affective.

Le problème avec beaucoup d’histoires d’amour dans les fictions, c’est qu’elles sont horriblement plates. On nous dit que les protagonistes tombent amoureux, mais on ne le sent jamais. Le seul point d’intérêt de leur relation réside dans les quelques obstacles arbitraires qui se dressent entre eux et menacent de les séparer. Car s’il fallait qu’ils s’unissent dès le premier chapitre, il n’en résulterait probablement rien de plus excitant que des regards creux et des paroles insipides.

Il est urgent de mettre de côté les clichés, comme ce « pouvoir de l’amour », cher à Hollywood, plus fort que tout, même les lois de la physique. Je ne crois pas que la science-fiction soit un genre où il convient de donner au lecteur du petit romantisme sucré, de lui peindre un portrait naïf et niais de l’amour. La science-fiction tend à être exigeante. Si on y présente une liaison romantique – ce qui constitue après tout un aspect fascinant de nos rapports sociaux – qu’on accepte d’en faire une relation complexe et imparfaite, avec des doutes, des nuances, des soubresauts. La passion n’est intéressante que lorsqu’elle n’a de cesse de se dévoiler.

Et si l’un d’entre vous a pour ambition d’écrire Fifty Shades of Grey dans l’espace, par pitié, abstenez-vous.