Éditorial: Parlons science, le temps élastique

Les théories scientifiques les plus complexes sont souvent basées sur des idées simples.

Prenons un postulat bien simple : les lois de la physique doivent être les mêmes partout dans l’univers.

Ce n’est pas parce qu’une idée est simple qu’elle est nécessairement vraie. Cependant, nous n’avons jamais rien observé qui nous indiquerons que l’univers fonctionne différemment dans la galaxie d’Andromède, dans de lointain superamas, ou au Saguenay. Peu importe où on se trouve dans l’univers, l’application d’une force engendre une réaction, le principe de conservation de l’énergie s’applique, et ainsi de suite.

Cela implique cependant une conséquence surprenante : il existe une série d’équations qui décrivent les phénomènes reliés à l’électricité et au magnétisme. On les appelle les équations de Maxwell. Et ces équations prédisent que la lumière possède une vitesse de 300 000 km/s. Peu importe où on se trouve dans l’univers, peu importe ce que l’on fait, on devrait toujours mesurer cette vitesse pour tout rayon lumineux que l’on peut observer.

Il y a un siècle, les conséquences de cette affirmation ont révolutionné complètement notre vision de l’univers.

Imaginons que je suis debout dans un train qui file à bonne allure, et que je lance un avion de papier devant moi. En ce qui me concerne, cet avion plane à une vitesse de quelques mètres par seconde. Mais un observateur qui se trouve en bordure de la voie ferrée (appelons-le Roger) verra plutôt le même objet s’éloigner de lui à vive allure. Roger et moi mesurons des vitesses différentes pour cet avion.

Au lieu de lancer un avion de papier, imaginons maintenant que je tiens une lampe de poche. La lumière de cette lampe s’éloigne de moi à 300 000 km/s. Mais cette même lumière s’éloigne également de Roger à la même vitesse! Peu importe la vitesse à laquelle se déplace mon train, nous mesurons toujours tous les deux la même vitesse de 300 000 km/s.

Précisons un peu la situation. Le wagon dans lequel je me trouve fait 12 mètres de long. Je m’installe à une de ses extrémités en pointant ma lampe de poche éteinte vers l’autre extrémité. J’allume ma lampe de poche une fraction de seconde, afin de produire une brève impulsion lumineuse qui parcourra le wagon dans toute sa longueur.

De ma perspective, l’impulsion lumineuse va franchir 12 mètres avant de frapper le mur du wagon. Mais pour Roger, cette distance sera plus grande : pendant que l’impulsion lumineuse se déplace, le train continue lui aussi d’avancer.

Roger et moi ne sommes donc pas d’accord sur la distance que la lumière a parcourue. Mais nous savons par contre tous les deux que la lumière se déplace à une vitesse de 300 000 km/s. Il n’y a donc qu’une seule conclusion possible à tenir : selon ma perspective et celle de Roger, il ne s’est pas écoulé le même intervalle de temps avant que l’impulsion lumineuse n’atteigne le mur du fond du wagon. De ma perspective, cela a pris 40 nanosecondes (faites le calcul si vous voulez). Mais de la perspective de Roger? Puisque la lumière a parcouru une plus grande distance, cela a pris un peu plus de temps.

À partir du postulat que les lois de la physique doivent être les mêmes pour tous les observateurs, nous arrivons donc à une conclusion surprenante : le temps ne s’écoule pas de la même façon pour tout le monde. Évidemment, ce phénomène est difficile à observer au quotidien, puisque nous ne nous déplaçons jamais assez rapidement pour qu’il soit suffisant pour être mesurable.

Le postulat initial que je vous ai présenté au début de cet article est celui qu’Albert Einstein énonça lorsqu’il développa la théorie de la relativité restreinte. L’humanité avait toujours pris pour acquis que le temps était une grandeur immuable, qui s’écoulait de la même façon partout dans l’univers. Il est assez renversant de se rendre compte que ce n’est pas le cas.

Cette dilatation du temps, comme on appelle ce phénomène, n’est qu’une des conséquences de la théorie de la relativité. Et que signifie-t-elle pour l’aspirant auteur de science-fiction? Il me semble bien qu’il y aura matière à explorer le mois prochain.

Un commentaire sur “Éditorial: Parlons science, le temps élastique

Les commentaires sont fermés.