Éditorial: Parlons science, une question d’énergie

Parlons d’énergie.

En physique, l’énergie représente la capacité à changer l’état d’un système. Lancer une balle, faire fondre de la glace, dynamiter un rocher – toutes ses activités exige de dépenser de l’énergie.

Ce terme, « dépenser », comporte une analogie intéressante. Quand on dépense de l’argent, celle-ci ne se dissipe pas dans le néant. L’argent est transféré, pas perdu à jamais. Il en est de même avec l’énergie. En physique, on appelle ça le « principe de conservation de l’énergie »: l’énergie n’est pas quelque chose qui peut apparaître ou disparaître par enchantement. Si on dépense de l’énergie pour effectuer une action quelconque, cette énergie est transférée ailleurs et/ou sous une autre forme.

Prenons un exemple simple: vous donner un coup de pied dans un ballon de soccer immobile. Cela vous demande d’utiliser de l’énergie (vos muscles ne travaillent pas gratuitement). Le ballon, lui, gagne en vitesse (il acquiert donc ce qu’on appelle de l’énergie cinétique) et possiblement décolle en hauteur (ce qui correspond à de l’énergie potentielle gravitationnelle).

Nous connaissons diverses méthodes d’obtenir l’énergie nécessaire lorsque les besoins sont plus importants. Un barrage hydroélectrique permet de produire de l’énergie électrique. Les combustibles fossiles constituent un réservoir d’énergie emmagasinée dans les interactions chimiques entre les molécules.

L’énergie est un enjeu politique et social important. Notre société a besoin de beaucoup d’énergie. Mais ce n’est rien à comparer des besoins énergétiques de nombreux univers de science-fiction! Qu’il soit question de propulser un vaisseau spatial ou de faire exploser une lune (même une petite), à moins de nager dans le space opera flamboyant, il convient de réfléchir un peu à la nature de l’énergie qui est utilisée.

Car il n’y a pas d’échappatoires au principe de conservation de l’énergie: peu importe la méthode qui est utilisée pour envoyer une fusée en orbite à partir de la surface de la Terre, cela exigera une certaine quantité minimale d’énergie. Il est possible d’imaginer des sources d’énergie plus efficaces ou plus compactes, mais pas que la mise en orbite puisse se faire sans dépenser d’énergie.

Bien sûr, un peu de jargon permet de contourner tout problème et de poursuivre le récit sans s’embêter. La solution ultime : affirmer que votre hypercanon rase-planète puise son énergie dans un univers parallèle. Voilà, source d’énergie inépuisable! Mais cela ne convient pas à tous les univers de science-fiction.

Et que dire de tous les superpouvoirs? Soyons francs: il est bien rare que les histoires de super-héros respectent le principe de conservation de l’énergie. Même si c’est par télékinésie qu’un super-vilain parvient à faire décoller le Stade olympique, cela ne devrait rien changer à la quantité d’énergie nécessaire! D’où provient-elle?

Cette réflexion peut également être intéressante dans le contexte d’un univers de fantasy. Un système de magie doit-il obéir au principe de conservation de l’énergie? Généralement, la réponse à cette question est non, mais une réponse positive possède des implications fascinantes pour la construction de cet univers. Un sorcier sera peut-être quand même capable de produire d’effroyables boules de feu, mais il devra avoir à sa disposition une source d’énergie adéquate! Avouez que l’image mentale du lanceur de sort se promenant avec un gallon de carburant sur son dos a au moins le mérite de l’originalité!

Il existe un autre corollaire au principe de conservation de l’énergie: le transfert de l’énergie d’une forme à une autre ne possède que très rarement un rendement parfait. Par exemple, si vous utilisez de l’électricité pour faire fonctionner un ventilateur, ce n’est qu’une partie de l’énergie électrique qui en alimentera le moteur. Le reste de l’énergie est « perdue ». Perdue par rapport à l’intention visée de faire tourner le ventilateur, mais cette énergie existe bien sûr toujours. Qu’est-elle devenue? Généralement, les pertes d’énergie se transforment en énergie thermique, qui feront augmenter la température environnante. Et plus on utilise d’énergie, plus les pertes sont importantes. Ce n’est pas pour rien que les ordinateurs sont toujours munis de dispositif pour évacuer la chaleur!

De quoi causer bien des mots de tête à notre super-héros! Pensez à ce pauvre défenseur du veuf et de l’orpheline qui projette des rayons lasers à partir de ses oreilles. Nos seulement son métabolisme doit produire et emmagasiner l’énergie nécessaire à ces décharges, mais en plus les pertes d’énergie auront pour effet de lui brûler les tympans à chaque fois qu’il combat un autre mécréant! Dure, la vie de super-héros.