Éditorial: Parlons science, l’introduction

On a beau parler de « science »-fiction, il n’est évidemment pas obligatoire d’avoir une formation scientifique pour en écrire. Une certaine préparation demeure cependant nécessaire, de la même manière que l’écriture d’un roman historique exige de la recherche.

Ayant une formation scientifique, il m’est venu en tête d’entamer une série d’éditoriaux portant sur certains principes scientifiques fondamentaux, et leur importance (ou non) dans la littérature de genre. N’ayez craintes: j’éviterai le langage hermétique et les démonstrations mathématiques. Je ferai de mon mieux pour vulgariser ces concepts et discuter de leurs implications.

Partons de l’idée que, par défaut, un récit doit respecter les lois de la nature (tout comme, par exemple, les personnages doivent se comporter de manière plausible). Je dis bien « par défaut »: décider d’enfreindre ou de contourner un principe scientifique est un choix valide lorsque l’on construit un récit. En s’interdisant de contrevenir à la science établie, on doit se priver du voyage temporel et des vaisseaux supraluminiques, et ce n’est pas moi qui prêchera qu’il faut bouder son plaisir. Quand même. Les chasseurs intersidéraux qui font piou piou en se tirant dessus, c’est important.

Mieux comprendre les connaissances scientifiques élémentaires permet à un auteur de les contourner avec élégance. Car même si un texte n’est pas de la hard science-fiction et qu’il ne respecte pas les trois quarts d’un manuel de physique de secondaire 4, il a quand même besoin d’une solide dose de cohérence interne. L’auteur doit maîtriser ce qui est possible et ce qui ne l’est pas dans son récit.

Imaginons le vaisseau spatial Super Piou Piou, capable de traverser la Voie Lactée en une fin de semaine. Cela contrevient à un principe élémentaire de la physique (l’impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière), que l’on accepte d’emblée. Tous les effets de dilatations du temps que décrivent la relativité deviennent embêtant – il convient sans doute de les cacher sous le tapis, bien qu’un auteur astucieux pourrait vouloir les intégrer de manière plausible. Mais le Super Piou Piou devrait normalement avoir besoin d’énergie (beaucoup, beaucoup d’énergie) pour atteindre une vitesse si élevée. Quelle en est la source? Il y a fort à parier qu’une deuxième couche de superscience viendra escamoter les contraintes d’ingénierie de cette source énergétique (un cristal capable de tirer de l’énergie extra-dimensionnelle!). Mais cela nous informe sur le type de civilisation qui a construit le Super Piou Piou: si ses capacités énergétiques sont aussi grandes que cela suggère, il faut en tenir compte!

Une telle analyse reste valide en dehors de la science-fiction. Il y a matière à extrapoler certains principes scientifiques en fantastique ou en fantasy, et une telle réflexion peut mener à une construction d’univers fascinante. Car si la magie existe dans un monde imaginaire, elle doit nécessairement obéir à certaines règles (même l’absence de règles constitue une règle), et interagir avec les principes « naturels » qui y ont droit de cité. La réflexion tentera donc d’englober les différents genres de l’imaginaire.

Mais ne vous en faites pas – il n’y aura pas d’examen.