On a souvent qualifié le Moyen Âge de siècles de la foi. C’est à cette époque que les cathédrales ont été érigées, que les grands ordres monastiques se sont construits et que les croisades ont attiré des milliers de personnes loin de chez eux, guidé par leur foi. C’était une époque où le pouvoir politique et religieux marchaient main dans la main, où ne pas être croyant n’était même pas une idée envisageable.
La fantasy reprend souvent les codes du Moyen Âge. On s’y bat avec des épées, on se déplace à cheval, on obéit le plus souvent à un souverain héréditaire et le personnage du chevalier est souvent bien présent. Que la magie ou les créatures fantastiques y existent n’est au fond pas si surprenant: le Moyen Âge baignait dans une atmosphère de sorcellerie et de mythe. Comme la science n’avait pas encore expliqué les sources des maladies ou des phénomènes naturels, un orage représentait la colère de Dieu et les mauvaises récoltes, une punition. Et puis, qui pouvait dire si un accident était le fruit de la malchance ou de la malédiction d’une sorcière?
Seulement, il y a un élément très important du Moyen Âge qui n’a pas complètement passé la porte de la fantasy: la foi. Si la présence à la messe était un passage obligé, sinon quotidien, du moins hebdomadaire pour la majorité des gens au Moyen Âge, rarement voit-on les personnages des romans de fantasy fréquenter un temple quelconque. Cela fait partie du paysage, certes, mais de la vie quotidienne des gens?
Quel est la dernière série que vous ayez vue ou lue où le pouvoir politique et religieux se mêle au point où ils se disputent le pouvoir? C’était pourtant le cas au Moyen Âge où les disputes entre la Papauté et les différents souverains étaient légions. J’ai souvent vu nombre de récits de fantasy où la religion était mentionnée, où des prêtres étaient présents où l’on faisait appel aux dieux et aux déesses, mais… de façon aussi intime qu’au Moyen Âge où la plupart des gestes de la vie quotidienne était relié à la foi? Bien peu…
Et c’est l’une des limites que l’on peut tracer entre le Moyen Âge et le fantasy. Parce que le genre a retenu du Moyen Âge ce qu’il voulait, ce qu’il souhaitait et non la réalité de cette époque. Beaucoup d’éléments fantasmés d’époques qui ont suivi la période médiévale sont souvent retenus comme lui appartenant, alors qu’ils sont des phénomènes plus récents. Par exemple, on a brûlé plus de sorcières en pleine Renaissance que durant tout le Moyen Âge… Et le pouvoir absolu du souverain était plus le fait de monarques comme Louis XIV que de souverains médiévaux qui devaient sans cesse se battre contre des barons trop puissants.
La foi et son omniprésence dans le quotidien sont l’une des choses qui ont disparu. C’est sûr qu’un chevalier en armure marque davantage l’imaginaire, mais l’idéal chevaleresque en était aussi un de foi puisque la piété faisait partie de leurs serments lors de l’adoubement. À l’époque, l’un n’allait pas sans l’autre. On a gardé l’armure, l’épée et le serment d’honneur, mais la foi qui en était l’essence même est restée au vestiaire.
J’ai déjà visité le Musée de Cluny à Paris, musée français de l’histoire du Moyen Âge. C’est un beau musée, mais j’ai plus ou moins apprécié ma visite. La majorité des œuvres présentées au fil de l’exposition parlait de saints, de saintes, d’Église, de techniques de constructions de cathédrales… Il n’y avait qu’une seule salle, à la toute fin, qui présentait les armures, boucliers, et autres armes typiquement médiévales. C’est un peu à l’image de ce qu’est la fantasy par rapport à ces siècles: on en a retenu une toute petite partie, la plus spectaculaire certes, mais pas celle qui a défini la vie des gens qui l’ont vécu.
Mariane Cayer blogue habituellement aux Lectures de Prospéryne.