Éditorial: La limite du lecteur

Vous voulez une réflexion particulièrement déprimante?

Posons que vous lisez en moyenne un livre par mois. Ça peut être plus, ça peut être moins, mais utilisons ce chiffre. On parle en conséquence d’une douzaine de livres lus par année.

Quel âge avez-vous? Combien de temps vous reste-t-il à vivre? J’ai bien l’intention de profiter des traitements de rajeunissement qui deviendront certainement, sans le moindre doute, disponibles avant que je n’atteigne l’âge de la retraite, mais à des fins de discussions je vais utiliser l’espérance de vie actuelle. S’il me reste quelques 40 ans à vivre, cela signifie que je pourrai lire encore environ 500 livres dans le cours de ma vie, plus ou moins quelques dizaines.

Juste ça? Quelle perspective terrifiante!

Si je prenais le temps de m’asseoir et de compiler une liste de livres que je veux lire, je crois bien que je pourrais atteindre 500 sans trop me forcer. Et, sans tenir compte des limites de ma capacité de lecture, on continue de publier d’excellents titres à chaque année!

Peu importe le nombre exact de livres qu’il me reste à lire (et lire davantage est une des mes résolution pour 2019), il y a quand même cette réalisation qu’on ne peut pas tout lire. Cette réflexion ne doit cependant pas nous conduire dans le piège de considérer chacune de nos lectures subséquentes comme Importante (avec une majuscule), et qu’il ne faut en gaspiller aucune avec des œuvres mineures. Non. Le droit du lecteur, c’est de lire ce qu’il veut quand il le veut. Incluant des lectures frivoles.

Cela m’amène tout de même à regarder d’un autre œil certain de mes choix de lecture. Jeune, je pouvais embarquer dans une nouvelle série de fantasy et la terminer le temps d’un été. Et j’en ai certainement profité! L’intégrale de Conan de Robert E. Howard, les Chronicles of Amber de Roger Zelazny, les séries anthologiques Thieves’ World et Wild Cards… Des univers dans lesquels j’ai pu m’imprégner pour des séjours prolongés. De nos jours, je ne pense plus que je pourrais entamer la lecture d’une aussi longue série. Cela pourrait bien monopoliser mon temps de lecture de, quoi, toute une année complète? Le coût d’opportunité me semble trop élevé. Il y a bien quelques séries que je continue de suivre au fur et à mesure des nouvelles parutions (l’excellente The Laundry, de Charles Stross, me vient immédiatement en tête), et il se trouve suffisamment de Discworld dans ma bibliothèque pour me durer encore de nombreuses années. J’ai bien entamé Les Pierres et les Roses d’Élisabeth Vonarburg, mais cette fois la Grande Dame nous a assuré qu’il s’agissait d’une trilogie. Mais de nouvelles longues séries, pouvant se poursuivre sans fin en vue? Je ne pense plus.

Heureusement, la relève est là pour y voir. Ma fille, elle, est bien partie pour passer à travers l’intégrale de Robin Hobb en un temps record.

5 commentaires sur “Éditorial: La limite du lecteur

  1. Gen

    Ayant fait le même constat il y a des années, j’ai pris deux résolutions : 1- lire au moins un livre par semaine (comme ça, je peux espérer en lire encore environ 2600 dans les quelques 50 années qui me restent à vivre… et je ne crois pas que j’arriverais à dresser la liste de 2600 livres que je veux lire, donc j’ai de la place pour les surprises et les frivolités) et 2- ne pas m’embarquer dans des séries non terminées (comme ça, quand j’embarque, je la dévore en profitant du momentum et mon rythme de lecture augmente). La seule fois où j’ai fait une exception, ce fut pour Game of Thrones. … Bon, au rythme où GRRM les publie, ça ne m’occupe quand même pas trop dans une année! 😛

  2. Prosperyne

    Je crois qu’on ne peut pas lire dans une vie tout ce que l’on souhaite lire… Il vaut mieux profiter de nos lectures à fond, peu importe le nombre.

  3. Pascale

    Et Robin Hobb en vaut la peine 😉

    J’ajouterais à ma pile tous les textes critiques et théoriques que je lis par année… Certainement plus que de la fiction. Je dois en passer entre 80 et 100, de longueurs variables, de septembre à avril… L’ennui étant qu’avec ça, il reste moins de temps et d’énergie pour la fiction. Et que ma vue descend très vite! Il faut aussi dire que dans les dernières années, j’ai appris à apprécier la fiction plus courte, et à ralentir mon rythme de lecture pour mieux goûter les textes. C’est un autre type de lecture, que je ne pratiquais pas nécessairement quand j’étais plus jeune. Après, il y a toujours ces fictions que je dévore… Et je dois avouer que de ralentir ma lecture pour le dernier Robin Hobb (un presque mille pages…), histoire de bien savourer alors que je voulais en parallèle bouffer sans grâce le bouquin, a été particulièrement souffrant, hey ! (Après, faudra se demander pourquoi je parle de manger des livres!)

    Bref, je crois qu’il y a différente sortes et rythmes de lectures et que c’est bien comme ça, tant qu’on en profite. Oh, et j’ai vu un film, où un homme avait choisi de voyager à travers le temps, sans vieillir, afin de pouvoir lire tous les livres du monde… 😉 ! Une piste de solution?

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