Éditorial: Le principe de la niche

Un auteur n’est pas un chien: il n’a pas besoin d’une niche.

Les auteurs possédant un vaste répertoire m’ont toujours semblé les plus intéressants. La capacité de passer d’un genre à l’autre, de varier les styles d’écriture, d’adopter des points de vue différents – tout cela se conjugue généralement avec la capacité à raconter une bonne histoire.

De plus, les divers projets d’écriture, même s’ils sont radicalement différents, viennent s’informer les uns les autres. Écrire dans un registre très différent peut procurer un recul qui sera bénéfique lorsqu’on sera de retour en territoire plus familier.

Il y a bien sûr un bémol à apporter à cette proposition. Il vaut mieux être bon en une chose que médiocre en tout: il n’y a aucun mal à ce que l’auteur débutant s’exerce dans les genres et les formats où il sera le plus à l’aise. Et même par la suite, être conscient de ses limites demeure nécessaire. Si l’idée de lancer une blague ne vous vient jamais à l’esprit, vous lancer dans l’écriture d’un texte humoristique risque d’être un mauvais investissement de votre énergie créative.

Cela dit, il existe des incitatifs souvent très forts qui peuvent pousser un auteur à rester dans un créneau en particulier. Les dynamiques commerciales en font partie. Un auteur peut développer une identité littéraire très forte en se limitant à un genre très spécifique, ce qui peut contribuer à fidéliser son public. En quelque sorte, l’auteur s’engage alors à fournir une expérience similaire d’un livre à l’autre.

Puisque l’auteur polyvalent ne pourra compter sur l’établissement d’une telle image de marque, il lui faudra bien donner une raison au lecteur de le suivre d’une œuvre à l’autre. Il serait possible de discourir sur ce sujet, mais fondamentalement je crois que cela revient à un principe bien élémentaire: l’établissement d’un solide lien de confiance entre le lecteur et l’auteur.

C’est ce lien de confiance qui nous incite à plonger dans l’inconnu en ouvrant un livre à sa première page.