Éditorial: Ce qui nous appartient

La nouvelle est passée sous silence dans les médias, mais le nouvel accord commercial entre le Canada et les États-Unis aura sur notre identité culturelle un effet bien pernicieux: la durée du droit d’auteur sera étirée pour se conformer à la norme étatsunienne.  Dorénavant, il faudra attendre 70 ans après la mort d’un créateur pour que son œuvre devienne libre de droit, contre 50 ans à l’heure actuelle.

Cela signifie que, pour les deux prochaines décennies, plus rien n’entrera dans le domaine public.

Cette stagnation du domaine public constitue une très mauvaise nouvelle. Bien sûr, je ne conteste pas du tout le droit des auteurs à être rémunérés convenablement pour leurs créations. Mais le domaine public constitue une richesse appartenant à tous. Son contenu peut être librement réinterprété, réinvesti, réapproprié.

À trop étendre la durée de protection du droit d’auteur (et je suis d’avis que même 50 ans était excessif), on fait perdre au domaine public son rôle de socle culturel commun. Sans rien enlever aux œuvres du 19e siècle, il n’est pas sain qu’on y retrouve en grande partie les limites de ce que notre identité culturelle peut s’approprier.

Illustrons la situation avec la chanson Gens du Pays de Gilles Vigneault, considérée comme l’hymne national de facto du Québec et interprétée pour la première fois en 1975. Gilles Vigneault étant (heureusement) toujours vivant, cette œuvre emblématique risque fort de n’entrer dans le domaine public qu’au 22e siècle. On peut espérer que, rendu là, elle aura encore la signification culturelle qu’elle possède aujourd’hui.

La République du Centaure a publié à deux reprises des textes appartenant au domaine public: « La tour de Trafalgar », de Georges Boucher de Boucherville puis, le mois dernier, « Le loup-garou », d’Honoré Beaugrand. Pouvoir librement explorer les racines de notre patrimoine littéraire constitue une richesse qu’il importe d’exploiter sans ménagement.

Un commentaire sur “Éditorial: Ce qui nous appartient

  1. Gen

    Il faudrait un mécanisme pour que les auteurs puissent léguer certaines de leurs oeuvres au domaine public. (Hum… faudrait que je cherche pour voir si ça existe… mais j’suis trop paresseuse…)

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