L’horreur de Neibolt Street, de Catherine Côté

Chères lectrices, chers lecteurs, rebonjour. Dans un article précédent [que vous pouvez consulter ici : https://republique.sixbrumes.com/2018/06/06/lenfer-sur-terre-un-panorama-des-maisons-hantees-de-catherine-cote/], je vous ai entraîné.e.s à travers le paysage anglais et victorien à la recherche des plus glauques maisons hantées. Nous y avons trouvé des châteaux, des palais à l’abandon, mais aussi des maisons normales, et des peurs ô! tant familières. Avec ce nouvel article, je vous propose de vous emmener ailleurs. Nous n’irons pas trop loin, ne vous inquiétez pas; c’est dans le Maine que nous mènera notre quête de hantises. L’objectif de celle-ci est toujours le même : explorer les maisons hantées, quelles qu’elles soient. Aujourd’hui, nous allons entrer dans une seule maison, mais quelle maison! La maison abandonnée de Neibolt Street, dans le roman It de Stephen King. Attachez votre ceinture, fidèles lectrices et fidèles lecteurs. It’s going to be a bumpy ride.

Lorsque Stephen King écrit sur les maisons hantées, il s’inscrit dans une longue tradition de récits d’horreur qui explorent la peur entourant ces endroits délabrés et mystérieux. La maison hantée, sous la plume de King, est beaucoup plus que l’antre d’un monstre; c’est d’abord un endroit qui symbolise, pour reprendre les propos de Julie Leclair, le « Mal [que la société] fait, dans la plupart des cas, elle-même surgir et qu’elle alimente par son aveuglement et par sa propre complaisance ». La société américaine décrite par King est imprégnée de ce Mal, et d’un pessimisme manifeste. Ses romans mettent souvent en scène des instances d’autorité et de pouvoir, comme la police, l’armée et les institutions carcérales, pour ensuite démolir leur crédibilité et exposer leurs vices inhérents. Les politiciens aussi sont attaqués, représentés comme des arrivistes profiteurs et manipulateurs. Outre les personnes en position d’autorité, les gens normaux, « blue collar folks » et petits bourgeois, apparaissent sous un jour peu radieux, puisqu’ils portent en eux le potentiel de leur propre destruction – qui peut-être aussi violente qu’un meurtre, ou aussi commune qu’une dépendance à l’alcool ou aux jeux de hasard – et de celle de tous les êtres qui les entourent. Dans cet univers vicié, il n’est pas étonnant que les maisons hantées foisonnent, celles-ci étant, comme nous l’avons déjà vu dans l’article de juin dernier, l’antre du Mal par excellence.

S’il existe un type de personnage qui est exclu de la représentation somme toute négative de la société qu’offrent les romans de King, c’est l’enfant. La plupart du temps, les protagonistes-enfants de King sont courageux, pleins de ressources, intelligents et forts, parfois plus que les adultes. Les membres du « Losers Club[1] » arrivent à vaincre le clown tueur de Derry parce que l’amour qui les unit est plus fort que tout[2]. Le jeune Mark Petrie est le premier à croire à l’existence du vampire de Jerusalem’s Lot parce que, contrairement aux adultes, il est assez ouvert d’esprit pour accepter une occurrence du paranormal dans sa vie[3]. Le petit Brian Husk est le premier à tomber sous les griffes du monstre gérant le magasin « Needful Things », mais il est aussi le premier – et le seul – à avoir des remords face à ses actions[4]. Même cas de figure pour Hilly Brown, qui est le seul personnage qui prend pleinement conscience du pouvoir exercé par les extraterrestres ayant envahi la ville de Haven[5]. Et il ne s’agit là que de quelques exemples parmi les légions d’enfants des romans de King. Peu importe leur milieu, les enfants kingiens sont généralement innocents et courageux[6]; et c’est peut-être pour cela qu’ils se retrouvent aussi souvent confrontés aux maisons hantées et au Mal que celles-ci peuvent receler. Le Mal cherche à se répandre, après tout, et les enfants lui apparaissent souvent comme des proies faciles.

Avant d’explorer plus en profondeur les liens entre les enfants kingiens et les maisons hantées, examinons les formes que ces dernières peuvent adopter. Pas de châteaux, chez King, parce que ceux-ci n’auraient pas leur place dans le décor semi-rural américain de ses romans. La hantise marque plutôt les lieux de tous les jours, comme les hôtels (The Shining, Talisman, « 1408 »), les maisons vides ou abandonnées (It, The Dark Tower, Salem’s Lot, Duma Key), les magasins et stations-service (Needful Things, Black House), et même les voitures (Christine). Les incarnations sont variées parce que le Mal est partout, surtout dans les choses anodines, celles dont on ne se méfierait jamais. C’est entre autres ce qui fait la force des romans kingiens; l’horreur y est de différents registres, et peut autant se manifester par le biais des objets ancestraux que par des choses familières et, habituellement, inoffensives.

Les monstres qui habitent les lieux d’épouvante adoptent aussi des formes très variées. Si Salem’s Lot met en scène une demeure vide qui devient le repaire d’un vampire, l’horreur de la maison hantée kingienne peut aussi être associée à des gens en apparence normaux (The Shining) ou à des apparitions qui se présentent de manière ambiguë, et dont le statut oscille entre l’occulte et les hallucinations découlant de la folie ou de l’alcoolisme (The Shining, Duma Key, « 1408 »). Leclair explique que « [l]’homme est porteur et semeur du meilleur comme du pire et que bien souvent, le Mal est déjà présent et n’a besoin que d’un événement déclencheur pour s’installer définitivement ». De façon similaire, la maison vide n’a besoin que d’un catalyseur – souvent très normal et ancré dans la réalité quotidienne américaine – pour devenir horrifiante.

Ces différentes entités qui occupent la maison hantée vont créer des effets horrifiques variés. Les « monstres » plus typiquement associées aux romans gothiques (comme les vampires) ou aux contes et légendes (comme les loups-garous) génèrent une horreur aux proportions plus vastes que les tueurs en série. C’est une horreur épique, ancrée dans un imaginaire et un symbolisme qui outrepassent les limites du livre. Les vampires de King réinvestissent, en quelque sorte, toute la richesse de l’imaginaire vampirique depuis sa conception. Au contraire, les tueurs de King, ces hommes normaux qui flanchent et succombent au Mal, créent un effet horrifique très différent, puis familier et qui découle de l’inquiétante étrangeté freudienne parce qu’il joue sur un décalage entre l’anodin du quotidien et la violence.

Or, si la maison hantée est un lieu de résidence pour les différents « monstres » kingiens, pour les autres personnages, elle est plutôt un lieu de transition, un entre-deux qui mène ailleurs. Les lieux de transition (dits « liminaires »[7]) sont des endroits où les êtres se dépouillent de leur identité, ce qui les prépare à en revêtir une nouvelle. La liminalité, découlant de ces lieux, devient un état de suspension entre un état passé et un état futur. Cette situation n’a rien de fixe; elle est seulement transitoire, le temps que la personne se dépouille de son identité avant d’en adopter une nouvelle.

Cette idée de la liminalité pourrait-elle être appliquée aux écrits de King? Je crois que c’est le cas, puisque les personnages qui traversent ses lieux hantés ne s’en tirent jamais indemnes, comme si l’endroit marquait leur passage d’un état à un autre, de la santé à la folie, par exemple, ou de l’enfance à l’âge adulte. Les personnages qui s’y aventurent en ressortent souvent ébranlés, confus, déroutés dans leur identité et leurs convictions. Chez les enfants, cette transition est encore plus manifeste; la maison hantée marque, dans leur vie, la transition claire de l’enfance à l’âge adulte, tel un véritable rite de passage. Après être sortis de la maison de Neibolt Street, les membres du « Losers Club » ont acquis la maturité nécessaire pour vaincre le clown lors de leur confrontation finale avec celui-ci; Mark Petrie, quant à lui, ressort un peu plus sobre et mélancolique de son passage dans la maison de Barlow. Pour cette raison, les maisons hantées kingiennes illustrent le principe de la liminalité, surtout dans le cas des personnages-enfants, chez qui la maturation provoquée par celles-ci est encore plus manifeste que chez les adultes.

Si la traversée de la maison hantée est un rite de passage pour les enfants, elle a tout de même des modalités et des conclusions variables. Certains personnages, après avoir confronté la maison, sont armés d’un courage supplémentaire, comme les membres du « Losers Club » ou Jake Chambers, dans The Dark Tower. D’autres, comme Mark Petrie, sont traumatisés, traînant désormais avec eux le poids de leur terreur et de leurs expériences dans la maison.

Maintenant que nous avons fait ensemble ce petit survol des maisons hantées kingiennes, de leurs formes, de leurs occupants et de leurs effets sur les personnages, je vous invite à suivre le « Losers Club » dans leur traversée d’une maison hantée, afin d’explorer les transformations que celle-ci opèrent au sein de ces différents personnages, et les fins dites concluantes que le rite de passage peut comporter pour les enfants kingiens.

It, l’horreur de Neibolt Street

Examinons l’exemple du roman It, publié en 1986 et adapté deux fois à l’écran – une première fois à la télévision en 1990, et une seconde fois au cinéma, en 2017. Ici, la maison hantée, une demeure décrépite sur Neibolt Street, est un endroit qui exerce une fascination certaine sur les enfants de la ville de Derry. C’est ce qu’illustre l’extrait suivant, qui décrit les pensées d’Eddie Kaspbrak, un des protagonistes du roman et membre du « Losers Club », face à la mystérieuse maison qu’il voit tous les jours en revenant de l’école :

La maison au 29, rue Neibolt était comme entourée d’une lueur étrange, dans l’imagination d’Eddie. En regardant sa cours envahie de mauvaises herbes et son porche affaissé et les planches clouées en travers de ses fenêtres, il pouvait ressentir une fascination malsaine le saisir[8].

La maison de Neibolt Street est donc, pour Eddie, à la fois un endroit répulsif – avec ses fenêtres barricadées et sa peinture écaillée, et les junkies qui s’y cachent souvent –, mais aussi un lieu étrangement attirant. C’est aussi le cas pour deux autres membres du « Losers Club », Bill et Richie. Malgré la peur que leur inspire la demeure, ces deux personnages décident d’y entrer, convaincus qu’ils trouveront là l’antre du monstre qui persécute les enfants de la ville de Derry depuis des mois déjà. La maison, à leur arrivée, est décrite de manière particulièrement inquiétante :

La façade du vingt-neuf, rue Neibolt avait un jour été peinte d’un rouge Cape Cod, vif et brillant. Avec le temps, la peinture avait perdu de son éclat, et était devenue d’un rose fade qui s’écaillait en plaques laides ressemblant à des plaies ouvertes. Les fenêtres étaient des yeux aveugles et barrés de planches. La plupart des bardeaux du toit avaient disparu. De mauvaises herbes poussaient chaque côté de la maison abandonnée et les premiers pissenlits de la saison émergeaient du gazon jauni. À gauche, une haute clôture qui avait dû être blanche un jour, mais dont la couleur ressemblait aujourd’hui au ciel gris, pendait mollement de chaque côté d’un buisson dégoulinant d’humidité. Au milieu de la clôture, Richie pouvait voir un monstrueux bosquet de tournesols sauvages – le plus grand faisait au moins cinq pieds de haut. Les fleurs avaient un air enflé et dégoûtant que Richie n’aimait pas. Une brise s’était levée et les avait secouées, c’était comme si elles acquiesçaient à l’unisson : les garçons sont là, n’est-ce pas que c’est génial? Encore plus de garçons. Nos garçons. Richie frissonna[9].

La maison de Neibolt Street est décrite de manière particulièrement dérangeante, avec sa peinture écaillée, ses tournesols sauvages et son toit dont les bardeaux ont été arrachés. À l’instar des endroits liminaires explorés par Arnold Van Gennep, elle semble se situer dans un entre-deux; elle n’est plus occupée mais n’a pas encore été détruite, elle est abandonnée mais tient encore debout. Et elle attire les enfants, qui sont à la fois fascinés et horrifiés par son apparence, comme nous venons de le voir.

Dans le roman, Richie et Bill sont les deux seuls personnages à pénétrer dans la maison de Neibolt Street[10], et donc les deux chez qui le rite de passage, lié à la maison hantée, est le plus concluant. Si la maison est un lieu liminaire, elle enclenche une transition chez les garçons qui, eux aussi, se retrouvent dans un entre-deux. Cet entre-deux est surtout manifeste d’un point de vue langagier. Bill et Richie ont, chacun à leur manière, un rapport ambigu au langage. Bill est affligé d’un bégaiement sévère depuis la disparition de son frère Georgie près d’un an auparavant. Richie, quant à lui, est un petit fanfaron qui aime faire rire en imitant différentes voix et accents. Dans la maison, ces deux aspects du rapport au langage des garçons se retrouvent à l’avant-scène.

D’abord, le bégaiement de Bill. Pour le garçon, la maison est une entité à vaincre en soi, comme un monstre qui avale les enfants et se réjouit à l’arrivée de deux nouvelles chairs fraîches. Bill y vit donc une première confrontation avec le monstre qui terrorise les enfants de Derry depuis si longtemps. Celui-ci prend la forme d’un loup-garou et les pourchasse dans le sous-sol. Malgré la peur immense que le monstre leur inspire, les deux amis arrivent à faire preuve d’un grand courage, et, dans le feu de l’action, le bégaiement de Bill disparaît. En témoigne l’extrait suivant, où la scène est perçue du point de vue de Richie :

La panique avait abaissé sa tuque sur l’esprit de Richie. À peine conscient de ce qu’il faisait, il grimpa la montagne de charbon, gagnant du terrain, glissant un peu, s’élançant vers l’avant de nouveau, tout cela en hurlant.

Le fusil retentit de nouveau avec un deuxième bang assourdissant. Bill Denbrough cria, « TU AS TUÉ MON FRÈRE, TROU DE CUL! »

Pendant un instant, la créature qui avait commencé à descendre les marches eut l’air de rire, ou de parler – comme si un vieux chien vicieux avait soudainement commencé à japper des mots emmêlés, et pour un instant Richie pensa que la chose dans le blouson de football avait grondé, « Je vais te tuer, toi aussi »[11].

La confrontation avec le monstre permet donc à Bill de surmonter le traumatisme de la mort de son frère, qui avait déclenché chez lui un bégaiement handicapant. Plutôt que de fuir le monstre, Bill agit avec témérité, et sa voix ne tremble plus. Plutôt que de rester le même, soit une personne vulnérable et en situation d’handicap[12], Bill se transforme, se dépouillant de son identité précédente pour en revêtir une nouvelle : celle d’un garçon en plein contrôle, de sa voix et de sa peur.

Le courage de Bill Denbrough prend le monstre de court, comme le démontre sa réaction indécise, qui oscille entre le rire et l’agressivité. Celui-ci grogne, et Richie croit y déceler des paroles, mais nul ne sait si le monstre a réellement parlé. Dans la confusion de la situation, dans la liminalité de la maison, Bill reprend le contrôle de ses capacités langagières, alors que le monstre semble, au contraire, les avoir perdues. Le dépouillement identitaire associé à la liminalité de la maison semble donc affecter non pas uniquement les gens qui la traverse, mais aussi ceux qui y habitent. On a ici affaire à un véritable renversement des situations, et même du pouvoir qui passe, dans ce cas-ci, par la maîtrise du langage.

Cette tournure de la situation encourage Richie, qui s’avance à son tour pour sauver Bill des griffes de la créature en adoptant un de ses nombreux alter-egos humoristiques :

Et puis, sans penser à ce qu’il faisait ou à pourquoi il le faisait, Richie a entendu la Voix du Policier Irlandais sortir de sa bouche, la voix de M. Snell. Mais ce n’était pas Richier Tozier qui faisait une mauvaise imitation; ce n’était même pas vraiment M. Snell. C’était la Voix de tous les policiers irlandais qui avaient existé un jour et secoué leur matraque par la cordelette de cuir en essayant d’ouvrir les portes barrées d’un magasin après minuit : « Laisse-le partir, petit gars, ou je te casse la tête! Je te le jure! Laisse-le tranquille maintenant ou je te sers ton propre cul sur un plateau! » La créature a lâché un cri à fendre la tête, un vrai rugissement de rage… mais Richie croyait y entendre quelque chose d’autre, en plus. Peut-être de la peur. Ou de la douleur[13].

Ainsi, face au monstre, Richie se transforme pour adopter un alter-égo tout indiqué à une situation de crise ou de danger : un policier, soit un homme en position d’autorité et en contrôle de la situation. Si la maison aide Bill à se montrer tel qu’il est vraiment, soit fort, confiant, et habile dans son expression orale, il semble qu’elle permette aussi à Richie de surpasser sa persona publique, celle d’un gamin bruyant et distrayant, afin qu’il affiche aussi ses vraies couleurs et qu’il devienne le garçon courageux qu’il a toujours voulu être, peut-être, ou simplement qu’il a toujours été sans vouloir le laisser paraître. Dans tous les cas, cette transformation est salutaire; armé de sa voix de policier irlandais, Richie heurte le monstre, qui lâche un cri de rage… ou peut-être de peur. Ici encore, les rôles précédemment joués par les personnages sont bouleversés par leur présence dans la maison hantée. Le monstre n’est plus tout-puissant, comme il l’était auparavant. Il est plutôt affaibli, dérouté par sa confrontation avec Bill et Richie. C’est une petite victoire pour les enfants (puisque la bataille finale est encore à venir), mais une victoire quand même.

Bref, la maison, hantée, dans It, est véritablement un lieu liminaire, au sens où l’entendait Arnold Van Gennep, parce qu’elle permet aux personnages de se dépouiller de leur identité passée pour en revêtir une nouvelle. Dans les cas de Bill et Richie, cette transition est positive. Bill surmonte (momentanément, du moins) le traumatisme de la mort de son frère et cesse de bégayer. Richie, quant à lui, laisse de côté sa personnalité de fanfaron pour s’affirmer en tant que personne courageuse et en contrôle de la situation. Cette transition qui s’opère chez les enfants se déploie surtout du point de vue du langage. La traversée de la maison hantée, dans ce cas-ci, peut donc être perçue comme un véritable rite de passage qui symbolise une maturation chez les enfants, et leur confère une confiance en eux accrue et nécessaire au déroulement du reste de l’histoire.

Pour conclure cette traversée quasi-éphémère de la ville fictive de Derry et de la maison de Neibolt Street, si la maturation de ces personnages, associée au rite de passage de la maison hantée, a eu des répercussions positives sur eux, c’est loin d’être toujours le cas. Dans Salem’s Lot, par exemple, le personnage du jeune Mark Petrie se retrouve à jamais transformé par ses expériences dans la Marsten House; or, au lieu de devenir plus brave ou plus mature, il en ressort traumatisé, silencieux, l’ombre de ce qu’il était auparavant. Les conclusions d’une traversée initiatique de la maison hantée, qu’elles soient positives ou négatives, se complexifient encore plus lorsque les personnages affectés ne sont pas des enfants, mais des adultes. C’est ce que je vous inviterai à explorer avec moi dans un troisième article.

D’ici là, chères lectrices, chers lecteurs, prenez soin, et n’oubliez pas que les pires monstres se cachent toujours dans les choses les plus familières.


 

BIBLIOGRAPHIE

BACHELARD, G., La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1961 [1957].

BEAHM, G. (2015) The Stephen King Companion: Four Decades of Fear from the Master of Horror, New York, St-Martin Griffin’s.

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LECLAIR, J., L’hybridation et les écarts génériques : véhicule de la critique sociale chez Stephen King, mémoire de maîtrise en études littéraires, Montréal : UQÀM, 2006.

KING, S., Christine, New York : Viking, 1983. (Titre français : Christine)

________, It, New York, Signet, 2001 [1986]. (Titre français : Ça)

________, The Tommyknockers, New York, Signet, 1993 [1987]. (Titre français : Les Tommyknockers)

________, The Dark Tower III: The Waste Lands, New York, Signet, 2003 [1991]. (Titre français : La Tour sombre)

________, “1408”, Everything’s Eventual, New York, Pocket Books, 2005.

________, Duma Key, New York, Scribner, 2008.

KING, S., Salem’s Lot, New York, Anchor, 2011 [1975]. (Titre français : Salem)

________, The Shining, New York, Anchor, 2012 [1977]. (Titre français : Shining, l’enfant lumière)

________, Needful Things, New York, Pocket Books, 2016 [1991]. (Titre français : Bazaar)

KING, S. et P. STRAUB, Talisman, New York, Signet, 1984. (Titre français : Le Talisman)

RUSSELL, S. A., Stephen King, a Critical Companion, Westport,  Greenwood Press, 1996.

SEGALEN, M., Rites et rituels contemporains, Paris, Nathan, 1998.

TURNER, V. W., Le phénomène rituel : structure et contre-structure, Paris, PUF, 1990.

VAN GENNEP, A., Les rites de passage, Paris, Picard, 1909 [1981].


 

[1] Il s’agit du nom que les enfants donnent à leur petite bande d’amis puisqu’ils se considèrent tous comme des « perdants », impopulaires auprès de leurs pairs et peu considérés de ceux-ci.

[2] Stephen King, It, New York, Signet, 2001 [1986]. (Titre français : Ça)

[3] Stephen King Salem’s Lot, New York, Anchor, 2011 [1975]. (Titre français : Salem)

[4] Stéphen King Needful Things, New York, Pocket Books, 2016 [1991]. (Titre français : Bazaar)

[5] Stephen King, The Tommyknockers, New York, Signet, 1993 [1987]. (Titre français : Les Tommyknockers)

[6] Il existe des exceptions, comme les « bullies », ces tortionnaires adolescents qui s’en prennent souvent aux protagonistes des romans kingiens. Pour ceux-ci, les rites de passage sont loin d’être concluant. Au contraire, ces adolescents deviennent souvent, par leur penchant pour la violence et la cruauté, captifs d’une adolescence perpétuelle dont ils ne peuvent s’échapper.

[7] Pour reprendre la terminologie de l’anthropologue Arnold Van Gennep. Voir bibliographie.

[8] Traduction libre de Catherine Côté.

[9] Traduction libre de Catherine Côté.

[10] Il est intéressant de souligner que, dans le roman, Richie et Bill sont les seuls à s’aventurer dans la maison de Neibolt Street. Dans l’adaptation de 2017, par contre, tous les enfants y entrent, bien que les péripéties principales au sein de la maison n’affectent que Richie et Bill.

[11] Traduction libre de Catherine Côté.

[12] Même si l’idée de l’effacement du bégaiement pourrait sembler capacitiste et réductrice, les romans de King ne suggèrent pas, en règle générale, un aplanissement de la différence. Chez King, la marginalisation est, plus souvent qu’autrement, valorisée, voire glorifiée. La personnages marginaux sont différents, mais cette différence n’est pas négative; elle est plutôt un atout. Ce sont les marginaux qui ont le courage de surmonter leurs peurs, qui vont faire preuve d’ouverture d’esprit et de compassion. Les personnages plus « normaux » vont, au contraire, souvent se montrer lâches et obtus face à l’adversité.

[13] Traduction libre de Catherine Côté.