Éditorial: L’art de faire court

Je suis toujours surpris quand j’entend un auteur dire qu’il n’écrit pas de nouvelles.

Pourquoi surpris? Parce que j’ai toujours vu la nouvelle comme la principale porte d’entrée vers l’écriture. Elle constitue un terrain de jeu fondamental tant pour l’auteur débutant qu’aguerri. Pour le premier, il s’agit d’une forme littéraire permettant de se faire la main avant de s’embarquer sur des projets plus ambitieux. Pour le second, elle permet d’explorer des idées ou des univers qui ne pourraient supporter un roman complet, ou auxquelles on ne souhaite pas accorder une telle somme d’énergie.

La nouvelle possède également des utilités certaines pour le lecteur, dont celle de pouvoir découvrir de nouveaux auteurs avec un minime investissement en temps.

Ce point de vue, je le sais, n’est pas majoritaire. Si pendant des décennies la nouvelle constituait la forme commerciale privilégiée des littératures de l’imaginaire (surtout de la science-fiction), cette époque est bien révolue depuis plus d’un demi-siècle. Bien des lecteurs ne lisent simplement jamais de nouvelles. On peut tout de même se consoler: en littérature générale, la place qu’occupe la nouvelle est devenue à toute fin pratique inexistante.

Malgré cela, je continue de croire que le maintien de marchés viables pour la fiction courte est nécessaire pour la vitalité de la SFFQ. Le travail de direction littéraire effectué par les revues Solaris et Brins d’éternité ne peut être minimisé. Plusieurs auteurs qui se sont lancés directement dans la rédaction de romans auraient bénéficié de passer par ces excellentes écoles! Retravailler un texte court autant de fois que nécessaire pour expurger les maladresses est un exercice pédagogique remarquable. Et ça demeure exigeant! Mais sans le fardeau complet d’un roman, la courbe d’apprentissage peut être plus rapide.

Les standards de ces deux publications étant élevés, on peut par contre déplorer l’absence actuelle d’un fanzine qui permettrait aux nouveaux auteurs de publier leurs premiers textes.

Cela dit, je demeure optimiste sur le rôle de la nouvelle dans notre genre littéraire.

Le milieu francophone des littératures de l’imaginaire tarde à investir les médias électroniques. Or, la nouvelle est une forme privilégiée pour le faire. Elle se partage bien, et se lit bien sur un écran. Depuis sa création, la République du Centaure est restée l’une des trop rares initiatives francophones qui diffusent des textes courts appartenant aux genres de l’imaginaire.

Il y a encore un long travail à faire avec le court.

2 commentaires sur “Éditorial: L’art de faire court

  1. Gen

    Je ne comprendrai jamais les gens qui n’écrivent pas de nouvelles!

    Surtout que, personnellement, quand j’écris des romans, je structure chaque chapitre presque de la même manière qu’une nouvelle. Ça permet d’avancer par petites sections, de travailler le rythme et la phrase, sans se perdre dans un ensemble trop grand…

    Mais bon, c’est sans doute paradoxal qu’une verbomotrice dans mon genre aime autant faire court! :p

  2. Alain Ducharme Post author

    Ça ne me semble pas paradoxal: être verbomoteur c’est aussi avoir 100 idées à la seconde que l’on veut exprimer – et la nouvelle permet d’explorer davantage d’idées plus rapidement!

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