Éditorial: Le principe Buster Keaton

Acteur comique du cinéma muet, Buster Keaton se démarquait à l’écran par le flegme impassible que ses personnages conservaient même face aux situations les plus invraisemblables. Sa marque de commerce était un humour très physique où les gags sont patiemment construits mais finissent toujours pas déjouer les attentes du spectateur. Situations invraisemblables, certes, mais Buster Keaton adhérait à un principe fondamental: chaque étape, chaque décision de ses personnages dans ce parcours vers le chaos complet se devait d’être parfaitement logique. L’invraisemblable, lorsqu’il arrivait, faisait partie d’une construction cohérente.

Comme l’humour, la science-fiction nous présente régulièrement des prémisses outrées. C’est une caractéristique d’un genre qui nous permet d’explorer un vaste champ d’idées et de possibilités. Notre capacité, comme lecteur, à les accepter dépend en grande partie du respect du principe de Buster Keaton. La situation la plus incroyable peut passer si elle est construite par une suite de comportements humains reconnaissables.

Je vais avouer ici que la lecture récente d’un roman (dont je tairai le titre) contrevenant complètement à ce principe m’a inspiré l’écriture du présent éditorial. Malgré une prose élégante, j’ai décroché du récit dès les premières pages. L’auteur me demandait d’accepter qu’une grande partie de la population québécoise se mettent d’accord – en catimini! – pour imposer un changement social important. D’un coup, comme ça.

Je n’y ai pas cru, et puisque tout le roman reposait sur cette idée, tout le roman s’est effondré.

Chez l’auteur néophyte, la science-fiction est parfois perçu comme un genre où « tout est possible ». Nul besoin de se soucier de cohérence interne ou de plausibilité – « c’est juste de la science-fiction ». En humour, un tel manque de rigueur s’appelle du cabotinage.

Et ce n’est pas plus amusant en science-fiction qu’en humour.

 

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